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Un flou juridique demeure autour du télétravail après deux ans de pandémie

En attendant un cadre légal spécifique au télétravail, ce sont les normes habituelles qui s’appliquent. Cependant, quand les employés effectuent leurs tâches à partir de la maison, ces directives peuvent alors entrer en conflit avec d’autres lois. Read it in English


PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE
PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Source: La Presse - Presse Canadienne | CLARA DESCURNINGES

(Montréal) Surveillance, achats et accidents : même après plus de deux ans années de pandémie, les règles entourant le télétravail restent floues, selon des experts.

« C’est normal que ce ne soit pas clair pour tout le monde, le droit du télétravail, parce qu’en fait, il n’y a pas de règles spécifiques » pour ce cas de figure, explique l’avocate Marjolaine Condrain-Morel, vulgarisatrice juridique chez Éducaloi. Selon elle, « le droit est encore à construire », c’est-à-dire qu’il va falloir attendre « que les tribunaux se penchent là-dessus, sur des cas réels, pour voir qu’est-ce qui est légal et qu’est-ce qui ne l’est pas ».

En attendant, ce sont donc les normes habituelles qui s’appliquent. Cependant, quand les employés effectuent leurs tâches à partir de la maison, ces directives peuvent alors entrer en conflit avec d’autres lois.

« Quand on est sur les lieux de l’employeur, on se voit, on peut s’observer […], l’employeur peut avoir une espèce de validation de ce qui se passe avec l’employé », rappelle Me Condrain-Morel. Mais quand les travailleurs restent dans leur propre logis, avoir ce niveau de surveillance nécessiterait l’activation de caméras, ou même le partage de son écran.

Comment alors savoir ce qui dépasse les bornes ? Après tout, « quand on est à la maison, on a quand même ce droit à la vie privée qui nous est très cher », en vertu notamment de l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Par exemple, avant même la pandémie, les tribunaux avaient tranché qu’un employeur avait le droit de surveiller électroniquement l’ordinateur de ses employés de manière aléatoire, comme ce n’était pas en continu, cela ne visait pas une personne en particulier et tous en avaient été informés à l’avance, affirme-t-elle.

« C’est certain qu’il ne faudrait pas que la caméra soit ouverte toute la journée, il faut être raisonnable dans notre supervision », note Me Marie-Hélène Jolicœur, avocate spécialisée en droit du travail au cabinet Lavery. Selon elle, les employeurs peuvent « demander les heures de travail et faire de petites vérifications, requérir la disponibilité quand la personne est censée être présente, demander une certaine reddition de comptes » et organiser des rencontres de fin de journée pour faire un suivi, plutôt « que de demander d’être branché, d’allumer sa caméra, d’être toujours en ligne, par exemple sur des plateformes comme Teams ».

Il serait par exemple difficile d’interdire à un employé de mettre un fond d’écran derrière lui lors d’une réunion sur Zoom, comme « on ne peut pas nécessairement exiger de voir les lieux du travail quand on est dans l’intimité de la personne ».

Accident de maison

Si un télétravailleur trébuche dans son propre escalier en se rendant à la salle de bain, son accident est-il couvert par son patron ? Il se pourrait bien que oui, mais chaque situation doit être traitée au cas par cas.

Il faut que l’accident « ait lieu à l’occasion du travail », une définition qui est « assez large », selon Me Condrain-Morel. « Est-ce que ça a été fait pendant les activités professionnelles et non pas pendant les activités personnelles ? Quand on est à la maison, la ligne est un peu plus mince. »

Il existe des précédents, dit-elle : « Une dame qui travaillait au deuxième étage est descendue pour aller à son heure de dîner, elle mangeait à la cuisine, elle a eu un accident et ça a été reconnu comme étant un accident de travail », de la même manière que si c’était arrivé au bureau. Dans un autre cas reconnu, un salarié avait glissé sur une plaque de glace à la sortie de son véhicule, de retour après être allé chez un client.

La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) confirme par courriel qu’« il peut être plus difficile d’établir si la lésion est survenue par le fait ou à l’occasion du travail, puisque la sphère professionnelle se confond avec la sphère personnelle ». Dans des cas comme ceux-ci, elle prend en compte le lieu et le moment de l’accident, mais aussi « la nature des activités exercées » et « la présence d’un lien de subordination entre l’employeur et le travailleur » au moment des faits.

Casse-tête ergonomique

Mais là où les règles se compliquent encore plus, c’est au chapitre de l’achat de l’équipement de bureau. Normalement, si l’on est payé plus cher que le salaire minimum, l’employeur peut exiger que l’on se procure soi-même son matériel. En télétravail, cela peut très bien inclure une chaise et une table.

Pourtant, l’employeur a aussi la responsabilité de « prévenir tout ce qui pourrait porter atteinte à la santé-sécurité », remarque Me Jolicœur. Cela vient brouiller les cartes, car même quand on reste assis toute la journée, des installations de bureau peuvent être la cause de maladies professionnelles, comme des maux de dos ou des tendinites.

La CNESST indique que « pour réduire le risque que les travailleurs développent des troubles musculosquelettiques à cause d’une posture statique, certaines mesures doivent être mises en place par l’employeur », dont « fournir des postes de travail ergonomiques ».

Par contre, un patron n’est pas obligé « de fournir le mobilier de bureau aux télétravailleuses et télétravailleurs », explique la commission. Mais s’il fait le choix de fournir les équipements, alors là, il « a l’obligation de s’assurer que ceux-ci sont sécuritaires et d’en assurer le maintien en bon état. »

Me Condrain-Morel souligne que le patron n’est pas le seul qui doit faire de son mieux pour éviter les problèmes de santé, comme c’est une responsabilité partagée par l’employé. Ce dernier « doit lui aussi alerter son employeur s’il y a des problématiques », par exemple une chaise inconfortable. « Peut-être qu’il ne fournira pas la chaise, mais peut-être qu’à ce moment-là, le droit au télétravail ne sera plus permis pour cet employé-là, parce qu’il n’est pas adéquatement outillé à la maison. »

 

A legal vagueness remains around telework even after two years of pandemic

Pending a specific legal framework for teleworking, the usual standards apply. However, when employees perform their duties from home, then these guidelines may conflict with other laws. Français


PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE
PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Source: La Presse - Presse Canadienne | CLARA DESCURNINGES

(Montreal) Surveillance, purchases and accidents: even after more than two years of pandemic, the rules surrounding telework remain unclear, according to experts.

“It is normal for the law of telework to not be clear for everyone, because in fact, there are no specific rules for this scenario", explains lawyer Marjolaine Condrain- Morel, legal popularizer at Éducaloi. According to her, “the law is still to be built”, that is to say that we will have to wait for the courts to look into this, on real cases, to see what is legal. and what is not”.


In the meantime, the usual standards apply. However, when employees perform their duties from home, then these guidelines may conflict with other laws.


“When on the premises of the employer, workers see each other, they can observe each other […], the employer can have a kind of validation of what is happening with the employee”, recalls Me Condrain-Morel . But when workers stay in their own homes, having that level of surveillance would require activating cameras, or even sharing one's screen.


So how do you know what's out of bounds? After all, “when we are at home, we still have the right to privacy which is very dear to us”, notably under article 5 of the Québec Charter of Human Rights and Freedoms.


For example, even before the pandemic, the courts had ruled that an employer had the right to electronically monitor the computer of its employees on a random basis, as it was not continuous, it was not aimed at a specific person and everyone had been informed in advance, she says.


“It is certain that the camera should not be open all day, we must be reasonable in our supervision”, notes Me Marie-Hélène Jolicœur, lawyer specializing in labor law at Lavery. According to her, employers can "request working hours and do little checks, request availability when the person is supposed to be present, request some accountability" and organize end-of-day meetings to follow up, rather “than asking to be connected, to turn on your camera, to be always online, for example on platforms like Teams”.


For example, it would be difficult to prohibit an employee from putting a wallpaper behind him during a meeting on Zoom, as "one cannot necessarily demand to see the workplace when one is in the privacy of the person ".


House accident

If a teleworker trips on their own stairs on their way to the bathroom, is the accident covered by their boss? It may well be so, but each situation must be treated on a case-by-case basis.


The accident must “take place during work”, a definition which is “fairly broad”, according to Me Condrain-Morel. “Was it done during professional activities and not during personal activities? When you're at home, the line is a little thinner. »


There are precedents, she says: "A lady who worked on the second floor came downstairs to go to her dinner hour, she was eating in the kitchen. Then she had an accident and it was recognized as a work accident" , in the same way as if it had happened in the office. In another recognized case, an employee had slipped on a patch of ice when leaving his vehicle, returning after going to a customer.


The Commission for Standards, Equity, Health and Safety at Work (CNESST) confirms by email that "it may be more difficult to establish whether the injury occurred by the fact or on the occasion of the work, since the professional sphere merges with the personal sphere”. In cases such as these, it takes into account the place and time of the accident, but also "the nature of the activities carried out" and "the presence of a relationship of subordination between the employer and the worker" in the time of the facts.


Ergonomic puzzle

But where the rules get even more complicated is when it comes to purchasing office equipment. Normally, if you are paid more than the minimum wage, the employer can require that you obtain your own equipment. In teleworking, this may very well include a chair and a table.


However, the employer also has the responsibility to “prevent anything that could affect health and safety,” notes Me Jolicoeur. This muddles the waters, because even when you sit all day, office installations can be the cause of occupational diseases, such as back pain or tendonitis.


The CNESST indicates that “to reduce the risk of workers developing musculoskeletal disorders due to static posture, certain measures must be put in place by the employer”, including “providing ergonomic workstations”.


On the other hand, a boss is not obliged to provide office furniture to teleworkers” explains the commission. But if he chooses to provide the equipment, then there, he “has an obligation to ensure that it is safe and to maintain it in good condition. »


Me Condrain-Morel underlines that the boss is not the only one who must do his best to avoid health problems, as it is a responsibility shared by the employee. The latter “must also alert his employer if there are problems”, for example an uncomfortable chair. “Perhaps he will not provide the chair, but perhaps at that time the right to telework will no longer be allowed for this employee, because he is not adequately equipped at home. »

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